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dimanche, septembre 17, 2006

LE TAO DE L'ENTREPRENEUR OU SAVOIR QUAND ... LÂCHER PRISE

Malgré l’optimisme indéfectible qui prévaut chez tout nouvel entrepreneur, il arrive souvent qu’un surcroît de bonnes intentions et par conséquent, de décisions douteuses, nuise au bon déroulement du plan initial plutôt que de favoriser sa mise en application.
C’est ce qui explique qu’au Québec environ 15 % des nouvelles entreprises dépose son bilan en moins d'un an.
Ici comme ailleurs, l’homme d’affaires est une espèce particulière : un alliage hétéroclite de rêves et de vision, de désirs un peu fous, d’intuition, de planification et d’actions. Il ne faut pas oublier cependant que les objectifs (ventes, gains financiers, positionnement sur le marché) ne constituent en aucune façon le pôle le plus important du processus.
En effet, une étude récente révèle que 90% des nouveaux entrepreneurs affirment ne pas travailler uniquement dans le but d’augmenter leur patrimoine mais plutôt afin d’exploiter leur plein potentiel créatif et humain. Ces passionnés sauraient le dire : le plaisir de travailler enfin pour soi - de la conception au maintien en affaires - le goût du jeu ou du risque et la concrétisation quotidienne des rêves (par le biais entre autres de la fidélisation de la clientèle ou du développement de la qualité des services ou des produits, je pense à la norme ISO) témoignent des valeurs intrinsèques de l’entrepreneur lui-même et de la culture d’entreprise qu’il souhaite développer. On parle d’optimisme, de sens du devoir et du travail bien fait, de souci des clients et de leurs besoins, de responsabilité sociale, du courage, de confiance en soi et j’en passe.
Un aspect de cette alchimie particulièrement délicate est souvent passé sous silence parce que l’on en méconnaît l’influence et les vertus. Il est d’ailleurs de la nature même de ces éléments mystérieux qui participent des succès les plus grandioses de demeurer voilés telle la pierre philosophale. J’évoque le principe taoïste du « ne rien faire ». Mais le hic c’est que l’entrepreneur et c’est une lapalissade, est la plupart du temps un homme d’action. Cela peut aussi être son talon d’Achille.
Dans un moment de panique (une probable restructuration, une grève ou un lock-out, des problèmes d’approvisionnement ou une perte en capital), il s’agite dans tous les sens et cherche avidement une solution à son problème. Sa créativité est alors sans limites : son réseau s’étend miraculeusement à de vagues connaissances ; sa marge de crédit fait soudainement état, sous le regard circonspect de son banquier, d’une élasticité prodigieuse ; son plan marketing souffre d’un embonpoint caractérisé et il arrive même que son code d’éthique – bannière autrefois intouchable – s’altère sensiblement dans la foulée.
Il est des moments, lorsque tout a été tenté, et que la vision conjuguée aux actions justes ne semblent plus générer les résultats escomptés où il faut savoir lâcher prise. En effet, un attachement trop intense aux résultats déséquilibre la balance délicate que l’homme d’affaires avisé doit s’employer à préserver. Ne plus rien tenter pendant un moment (quelques heures parfois suffisent) s’avère souvent la solution la plus bénéfique.
Lorsque l’on prend un temps d’arrêt, de nouvelles avenues semblent se dessiner d’elles-mêmes. Premièrement, la peur n’étant jamais bonne conseillère, le retour à des émotions plus paisibles favorise l’émergence de solutions souvent insoupçonnées et parfois inattendues. Cela n’a rien de magique. Les émotions négatives comme l’angoisse polluent le processus décisionnel en ajoutant des éléments étrangers aux facteurs de résolution de problèmes. Selon Shimon Dolan, docteur en Psychologie du travail et Relations industrielles, ancien professeur titulaire à l’Université de Montréal et détenant une chaire à l’Universté Pompeu Fabra de Barcelone, « le stress peut être tel qu"il conduit non seulement à une mauvaise prise de décision mais contribue à générer un climat qui influence tous les paliers de l"organisation ».
En effet, mêmes des difficultés telles un retard des fournisseurs, un bris de matériel, une interruption inopinée de production et autres impondérables paraissant nettement mettre au défi la force de caractère et bien souvent la patience de l’entrepreneur, trouvent généralement en leur temps leur solution. Pour certains, moins bien préparés cependant, ou n’ayant pas encore acquis la maturité entrepreneuriale nécessaire, elles constituent malheureusement la pierre d’achoppement expliquant de nombreux échecs et la fin abrupte d’un rêve.
C’est donc avant tout le bon vieux sens des priorités, qui nous renvoi judicieusement au moment présent, qui constituera la première étape de retour à l’action. Car c’est ici et maintenant que s’articulent bien souvent pas à pas les solutions les plus innovantes. Etre un entrepreneur et un gestionnaire efficace, c’est avant tout avoir la possibilité d’actualiser son propre potentiel par le biais de son entreprise. La capacité de « ne rien faire » à certains moments cruciaux de la vie entrepreneuriale requiert une maîtrise et une confiance en soi inébranlables qui traduisent non seulement la culture que l’on veut promouvoir mais surtout l’optimisme inné du véritable gagnant.
Marie-Josée Girard