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dimanche, septembre 17, 2006

UN DIMANCHE À BORDEAUX , FRANCE...

À Bordeaux, le dimanche, mes voisins d’en face n’ouvrent jamais leurs volets avant dix ou onze heures le matin. Est-ce à cause du soleil qui vient percuter avec fracas le vieux bois patiné ? Cela m’étonnerait. Ils sont probablement encore tout étourdis de sommeil et ne semblent pas se douter de l’importance cruciale de l’intrusion impromptue de l’astre du jour en novembre. Ils ne sont pas Québécois. Moi, je sais bien qu’ici l’hiver est encore loin car les terrasses sont pleines et que l’on voit des filles les bras nus et bronzés, vestiges de virées aux plages d’Arcachon ou de Lacanau, qui ne sont, après tout, pas plus loin en voiture que Montréal ne l’est de St Jérôme. Le dimanche, dans le Sud-ouest de la France, ressemble aux dimanches de mon enfance : tout est fermé et un silence paralysant s’étend mollement sur la ville. Il y a bien des passants qui arpentent la rue Sainte Catherine. Eh oui ! Il y en a une à Bordeaux ! A croire que la sainte patronne des vieilles filles s’est reconvertie dans la protection des petits commerçants, la course au mariage n’étant dorénavant plus la panacée de prédilection féminine qu’elle était ! On y voit donc des parisiens égarés ou qui n’ont pu, l’espace d’un week-end, résister à l’appel des départements de province (loin de Paris, ce sont tous des habitants…), aux jolis villages aux toits de tuiles roses ou aux églises médiévales qui pullulent par ici. Eux aussi sont d’ailleurs tout étonnés que les commerces fassent relâche, alors que ce n’est pas le cas à Paris, cpitale oblige ! Les Français sont-ils fervents ou dévots ? Est-ce la raison pour laquelle ils respectent avec tant de constance le repos dominical ? Loin de là ! Ils ont plutôt la semaine de trente-cinq heures, des syndicats très grognons et des protections sociales en béton. D’ailleurs, qui voudrait travailler le dimanche quand la mer est si près ? Alors, le dimanche, on se promène. On va au Jardin public, croisement entre le Jardin botanique et le parc du Mont-Royal. La différence notable, c’est qu’il y a dans le foisonnement de cette belle végétation un beau bouquet de……..palmiers, très bien acclimatés et sous lesquels on peut rêver longuement. Il y a aussi des papis (portant encore le béret) et des mamies (en tablier) qui s’assoient sur les bancs et discutent pendant des heures, des enfants, filles et garçons, qui jouent au foot, des promeneurs qui lancent du pain au canards et aux cygnes qui n’ont peur de rien et montent hardiment sur les berges, des étudiants qui draguent ou se font des confidences, quant aux québécoises expatriées elles s’ennuient un peu. Pensez-y, ici, pas moyen d’aller au Réno Dépôt ou chez Wall-Mart ! Même les restaurants sont fermés et n’ouvrent qu’à l’heure où les Français ont faim, ce qui, comme vous le savez, n’est pas la même que pour nous. Pas moyen, donc, d’aller s’écraser devant une assiette de côtes levées pour passer le temps. Il ne reste que les MacDonald (les Burgers King n’ont pas tenus le coup). Et encore. Ce n’est pas pareil. Les hamburgers n’ont pas le même goût, le café non plus. Je suis assez obstinée de nature, c’est pourquoi il est rare que je ne tente pas de trouver de l’agrément dans les rues vides de Bordeaux. Mais il faut premièrement comprendre comment elles fonctionnent ! Car les rues, en France, ont un mode d’emploi que notre esprit cartésien peine à assimiler. Je vous explique. Tout est rond. La ville est comme une roue de bicyclette et les rues en sont plus ou moins les rayons, avec des petites radicelles qui partent dans tous les sens. Inutile d’aller devant soi et d’espérer, si l’on tourne à gauche ou à droite, poursuivre en ligne droite, on risque d’avoir des surprises ! Mais une fois qu’on a compris que l’on se trouve dans un cercle, il suffit d’arrondir les angles et tout va à peu près « comme sur des roulettes! ». Puis, au hasard de la promenade, on n’a plus qu’à ouvrir les yeux. Mais après quelques années, les vielles pierres sont comme les jolis visages, on s’habitue. Il faut faire un effort sur soi pour retrouver le regard du touriste ébahi. Mais j’y parviens généralement. Prenez par exemple la Place de la Victoire. C’est grand et cela ressemble à un immense rond-point. On y trouve une espèce d’Arc de Triomphe - la Porte d’Aquitaine - qui est une porte immense, comme il y en a plusieurs aux quatre coins de la ville (un peu comme la Porte St Jean à Québec) et par où passent encore les pèlerins de Compostelle. . Un obélisque rose, qui ne sert strictement à rien, se dresse à au moins vingt mètres du sol et surplombe les immeubles à l’architecture magnifique (sans le moindre gratte-ciel à l’horizon) qui ceinturent la place. Il y a aussi une magnifique tortue de bronze (qui doit peser une tonne) et son petit, posés presque en son centre pour le plaisir des touristes et les photos souvenirs et enfin, gravée comme un chemin dans le bitume, une gigantesque étoile qui s’illumine en bleu le soir et qu’arpentent les étudiants en attendant le tramway. Vraiment, quand un soleil pourpre et orangé se couche sur ce panorama et que l’air est doux, je suis bien loin de regretter l’hiver québécois ! Marie-Josée Girard