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dimanche, septembre 17, 2006

MAUDIT GAZON : LE PISSENLIT EST DE RETOUR!

Je n’étais pas arrivée à Repentigny, ce fief de la douce vie banlieusarde, après un séjour prolongé dans l’Hexagone, que déjà le pissenlit faisait son entrée dans mon existence.
Comprenons-nous bien: je n’ai jamais jardiné, ni ratissé la moindre feuille. Je ne connais des lobélies et des liliacées que leurs douces terminologies, retenues lors d’une incursion erratique dans un manuel d’horticulture qui avait littéralement pris racine sur la table à café d’un ami.
Personne ne m’avait dit le drame qui se jouait dans les arrière-cours et les plates-bandes! Mais j’ai connu, par contre, un beau jardinier aux yeux un peu tristes qui devait être intraitable envers les mauvaises herbes, et je me demande bien (avec un brin de jalousie) à quelle grande plante ornementale ou exotique il consacre désormais tous ses soins! Il va sans dire, j’aurais bien aimé avoir un eu plus de « pot» avec lui, mais bon, c'est la vie! Ouais.
Est-ce qu’il y a des pissenlits en France? Sûrement, mais je n’en ai pas vus. J’ai vu sous les platanes en rangées et dans les allées grises qui nous rappellent les vieux films de Truffaut, le débordement rouge et noir des coquelicots, si fragiles qu’ils ne résistent pas à la cueillette et s’effondrent languissamment comme une belle sur un récamier. J’ai vu aussi les grands pédicules blancs au cœur d’or de la belle marguerite, mas pas beaucoup de dents-de-lion, cette terreur du jardinier.
Le climat du Vieux Continent, qui oscille entre crachin, grisaille et soleil méditerranéen y est peut-être pour quelque chose, quand on sait que certains nuages sont réputés pour s’arrêter opportunément à la frontière (Tchernobyl notamment) selon le gouvernement de l’époque! Y a pas à dire, rien n’est impossible!
Quoi qu’il en soit, je me suis donc coltinée à la peste jaune des jardins. C’est avec toute la bonne volonté du monde et armée de l’outil approprié, un long truc cornu, que j’ai entrepris de débarrasser de ses hôtes indésirables la cour de l’amie qui m’offre l’hospitalité.
J’étais assez fière de moi le premier jour: j’en avais bien trucidé une centaine. Quelle surprise le lendemain matin de voir une nouvelle marée jaune me narguer littéralement! Le pissenlit a ses humeurs : parfois il se cache (sale opportuniste) sous les feuilles plus innocentes des potentilles.
Puis, sûr de la victoire du nombre sur la détermination du chasseur le plus opiniâtre, il s’étale avec insolence.
On l’aimerait bien quand même pour le flamboiement de son cœur poudré d’orangé, hôte des fourmis qui y trouvent on ne sait quelle pitance sucrée ou odoriférante, ou pour ses pétales si réguliers qu’on dirait de véritables petits soleils. On ne l’aime pas pour ses vilaines feuilles dentelées (diurétiques et délicieuses paraît-il en salade) comme il se doit chez toute mauvaise herbe.
Méchant manipulateur, va! qui nous attire et nous repousse à la fois; qui nous fait travailler sous la double-contrainte de sa beauté, inutile pour la plupart d’entre nous, et de sa prolifération inéluctable.
Et les pesticides? me direz-vous. Et les enfants? vous répondrais-je. Il n’est quand même pas juste de défendre aux petits de se promener nu-pieds parce que nous, les grands, avons une lutte à finir. La victoire serait un peu amère.
Mais, peut-être nous permettrons-nous enfin, quand les petits d'homme (ces grandes fleurs fragiles et imprévisibles) auront bien poussé, de rivaliser avec le tapis émeraude, uniforme et velouté de tous nos voisins un peu moins scrupuleux!
Marie-Josée Girard